Visite au Musée du Domaine royal de Marly
Le 7 décembre 2022, dans la continuité de la visite faite au Domaine national de Saint-Cloud le 9 novembre (voir article ici), nous avons eu le plaisir de faire une visite au Musée de Marly.
En dernière minute, les personnes du Musée de Meudon (particulièrement Marianne Lombardi et Estelle Guichard) ont eu un empêchement. Nous étions donc : 2 de Saint-Cloud (Séverine Drigeard et une collègue) et 6 de ARHYME.
Nous avons été reçus et guidés par Anne-Sophie Moreau responsable de la communication.
La visite et les commentaires autour de superbes maquettes furent tout particulièrement axés sur la "Machine de Marly". C'était le but principal de notre visite. Nous verrons à la fin que l'on devrait dire "Les Machines successives".
Extrait du plan affiché à l'entrée du Musée. Il situe bien Marly entre la Machine sur la Seine et Versailles.
A la demande de Louis XIV, Marly fut conçu et aménagé pour la chasse et l'agrément. Le château lui-même fut décidé en 1679 et visité pour la première fois par le Roi fin 1683.
La configuration du domaine, à son apogée, était organisée autour d'une pièce d'eau principale (on pouvait y faire du canot !) dominée par le château et bordée de deux rangées de six pavillons réservés aux invités. Deux étant aménagés pour les bains.
Le Roi se plaisait à clamer : « J'ai fait Versailles pour la Cour, et Marly pour les amis »
Comme Meudon et Saint-Cloud, Marly fait partie des sites historiques dont le château n'existe plus. Au fil des ans et des régimes, le domaine traversa une suite d'abandons et de délabrements successifs. La destruction complète eu lieu dans la période 1789 à 1816.
Avant de passer à la description de « la Machine », voici ce qu’était la situation hydraulique.
Les besoins en eaux pour les fontaines, bassins et cascades du parc et jardins du château de Versailles étant toujours de plus en plus importants, de nouveaux moyens d’approvisionnement sont sans cesse recherchés. L’idée de puiser dans la Seine fut soumise (ou plutôt imposée !) aux ingénieurs et hydrauliciens les plus réputés et retenue sans forcément mesurer l’ampleur de la tâche que Louis XIV leur demandaient d’accomplir.
La configuration des lieux fait que l’eau pourrait à la fois alimenter le château naissant de Marly et ses aménagements, puis continuer pour approvisionner aussi Versailles.
Sur le plan topologique la difficulté était de faire monter l’eau de plus de 150 m, ce qu’aucune méthode ou machine ne permettait de faire à cette époque.
Après consultation, c’est finalement la proposition de deux Belges qui parut la plus « sérieuse ». Sur recommandation de l'avocat Arnold de Ville, le charpentier Rennequin Sualem pouvait faire valoir son expérience d’exhaure (évacuation d’eau par pompage) dans des mines près de Liège en Belgique.
Le projet d’une impressionnante Machine était lancé ! L'ouverture du chantier eu lieu en 1681.
Sur la partie gauche de la maquette générale, on voit la Machine au niveau de la Seine et tous les équipements installés le long de la colline. Ensuite un aqueduc aérien conduit l'eau jusqu'au bassin-réservoir situé au point haut du domaine.
En préalable à l'installation de la Machine elle-même, la Seine fut profondément remodelée pour créer un canal sur la rive gauche en reliant plusieurs îles entre-elles. Ceci au détriment de la navigation pour les marchandises qui ne disposait plus que d’un chenal étroit difficilement praticable. La Machine fut donc installée dans un emplacement favorable disposant d’une force motrice suffisante pour actionner ses 14 roues à aubes de 12 m de diamètre. Chaque couloir d’amenée de l'eau au pied de chaque roue pouvait être isolé pour permettre l’entretien et les réparations. La spécificité de la Machine n'était pas son principe de roues motrices, avec des bielles et manivelles permettant de transformer un mouvement circulaire en mouvement rectiligne alternatif, mais l'agencement des commandes nécessaires au bon fonctionnement des multiples pompes installées pour tenir compte de la configuration des lieux.
En effet, vu que les performances espérées des pompes aspirantes-refoulantes ne pourraient élever l’eau que de 50 m environ, il fut imaginé de créer, dans la pente, deux points intermédiaires équipés de puisards alimentés de proche en proche, et donc d'élever l'eau en trois étapes. La très grande difficulté étant alors de transmettre la force motrice depuis les roues à aubes jusqu’aux pompes éloignées. C’est donc un ensemble ingénieux, mais extraordinairement complexe de renvois, tringleries et chevalets qui fut construit essentiellement en bois, renforcé de pièces métalliques. Le tout complété par un réseau de tuyauteries, en fonte et correctement jointées pour supporter la pression, afin de transporter l'eau, progressivement, de la sortie des pompes au niveau supérieur suivant.
La maquette, située dans une salle proche de celle de la maquette générale, représente ce principe pour seulement une roue. Cela donne une idée de la complexité et de l’ampleur que devait représenter l'ensemble dans la réalité.
L’agencement général des roues, tringleries et chevalets laisse perplexe. Était-ce le fruit d’une mûre réflexion préalable ou le résultat de tâtonnements et ajustements au fur et à mesure des assemblages pendant la construction ?
Par exemple, seulement au niveau des 14 roues, on constate une répartition hétérogène et disparate des fonctions. Soit la disposition suivante : 6 sont à usage mixte (pompes + tringleries), 7 actionnent uniquement des tringleries tandis que la n° 14 (qui était seule en aval des 2 rangées principales) commandait seulement des pompes. Quant aux tringleries, elles étaient réparties en 7 lignes de petits chevalets destinées au petit ensemble des pompes de mi-côte et 13 lignes de grands chevalets destinées d'une part à l’autre groupe de mi-côte puis indirectement à la commande de 8 lignes dédiées aux pompes du puisard supérieur.
Pour compléter cette installation impressionnante et complexe (259 pompes au total !) un aqueduc aérien, dit de Louveciennes, long de 643 m acheminait l'eau propulsée depuis le puisard supérieur jusqu’au bassin-réservoir, via des conduites terminales pour ne pas couper la vue aux invités venant en villégiature à Marly.
Il n'est pas surprenant que la « Machine de Marly » fut surnommée la 8e merveille du monde. Commencée en 1681, elle fut inaugurée par Louis XIV en 1684. Cette prouesse technique fit l'admiration d'illustres visiteurs, comme par exemple celle du tsar Pierre 1er en 1717.
Grande longévité de la Machine et solutions de remplacement
Dès la mise en service de la Machine, son ampleur et sa complexité ont nécessité des interventions très fréquentes de réglages et de réparation. De nombreux menuisiers, charpentiers, forgerons, plombiers et autres ont donc été mobilisés en permanence sur le site pour procéder à ces travaux, la Machine devant fonctionner à plein temps avec le maximum d’efficacité possible. A l’usage, les défauts de conception et la fragilité générale ont limité la production effective à environ 3000 m3 / jour.
Néanmoins la Machine eut une extrême longévité de 133 ans (de 1684 à 1817), soit de Louis XIV à Louis XVIII. Plusieurs raisons expliquent cette surprenant durée, tout d’abord l’approvisionnement en eau potable d’une partie des Versaillais qui devait être maintenu et sans doute aussi le fait que certaines corporations et quelques intermédiaires avaient un intérêt à la faire vivre le plus longtemps possible.
Les riverains, assourdis par le bruit infernal du monstre, n’étaient probablement pas du même avis !
> > La Machine à 2 roues de François Cécile et Louis Martin
Les défauts de conception de la machine originelle et son vieillissement militaient pour des solutions de remplacement en utilisant des techniques plus récentes et moins couteuses en entretien. Mais il fallut attendre 1811 pour que commence la transformation de 2 roues afin de les équiper d’engrenages devant actionner de nouvelles pompes efficaces et bien synchronisées. Le débit obtenu était de 840 m3 / jour, directement de la Seine à l’aqueduc. La Machine dite « provisoire » fonctionna ainsi, seule, pendant 10 ans.
> > La Machine à vapeur
Les machines à vapeur ayant fait leur apparition dans l’industrie, ce nouveau type de force motrice moderne se devait de remplacer les roues à aubes d’une époque révolue ! A nouveau Cécile et Martin se mirent à l’ouvrage pour concevoir et installer une machine adaptée au pompage. Hébergée dans le bâtiment « Charles X », du nom de son inaugurateur, elle fonctionna à plein rendement de 1827 à 1859 en produisant 2000 m3 / jour.
Son seul défaut était de consommer 10 t de charbon par jour !
> > La nouvelle Machine hydraulique de Dufrayer
En reconsidérant que la Seine pouvait fournir une énergie gratuite (aujourd’hui on dirait « verte et renouvelable »), une nouvelle Machine hydraulique était envisageable. Dufrayer entreprit sa construction de 1854 à 1859. Cette fois, la machine était composée de 6 roues à aubes d’une largeur de 4,50 m chacune, (à nouveau de 12 m de diamètre) équipées de pompes placées horizontalement. Le débit moyen de l’ensemble était d’environ 7000 m3 / jour. En fin d’activité le pompage se faisait dans la nappe phréatique pour remplacer l’eau de la Seine devenue imbuvable. Au fil des années, le nombre de communes à desservir augmentait. Par exemple il fallait alimenter le domaine de Saint-Cloud choisi comme résidence d’été de la famille impériale.
Après un siècle de bon fonctionnement, en dehors d'une période d'interruption pendant la guerre de 1870, la machine fut arrêtée en 1963 et détruite en 1968.
De nos jours, de puissantes pompes électriques, installées dans le bâtiment Charles X, poursuivent l'alimentation en eau potable de nombreux utilisateurs.
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Cliquer sur les photos pour les voir en grand et les faire défiler.
Photos : faites pendant la visite par Sandra et Jean-Pierre.
Sources : les très nombreuses explications données par Anne-Sophie Moreau au cours de la visite et en complément le livret « La Machine de Marly ». Editions du Musée (4e éd., 2007) en vente à la boutique .
Remarque : La mystérieuse Machine de Marly a fait l’objet de nombreux écrits, à tel point que les données chiffrées sont assez variables. Par exemple sur le nombre de pompes et les débits. Les dates sont aussi légèrement fluctuantes. Le présent article n'est donc pas à prendre comme une vérité absolue, mais comme une évocation de la fabuleuse histoire de la Machine de Marly.
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